Coleman est né à Casinopolis, fils unique d’une mère lunatique portée sur la religion et enfant illégitime d’un père qui a connu brièvement sa mère le temps d’une passe, Coleman a reçu le nom de famille de Masskie (celui de son géniteur) parce que sa mère avait besoin de toucher l’argent de l’assistance sociale en tant que mère célibataire. L’enfant grandit seul dans la solitude sans vraiment avoir d’attaches, si ce n’est une seule passion pour le saxophone. Il largua le lycée lorsqu’on lui refusa une place dans l’orchestre de l’école. Il avait le cœur brisé car le professeur responsable de l’orchestre lui avait dit que les sons stupides qu’il sortait de son saxo n’était pas de la musique, ce n’était que du bruit qui prouvait qu’il n’avait aucun talent, rien que du souffle. Il se retrouva donc à distribuer des tracts et des prospectus pour l’église méthodiste du Nevada à laquelle sa mère appartenait. Il se gagna assez d’argent pour s’acheter un nouveau sax alto et passer des heures à faire des accords et des envolées d’improvisations qui n’étaient bonnes qu’à ses propres oreilles. Sa mère ne voulait pas qu’il s’exerce à la maison, alors il emportait son cornet dans les collines du désert de Mojaves juste à côté et jouait pour les coyotes. Parfois il se rendait à la médiathèque de Carnival Square et écoutait au casque des CD. Son morceau favori était « le blues du Glouton » que chantait un vieux crooner californien. Il écouta tellement ce CD qu’il en usa les sillons au point qu’on entendait presque plus rien et il se mit à chanter et fredonner en compensation.

Une fois majeur, sa mère l’obligea à trouver un emploi. Il trouva un travail dans le labo dentaire Joredco. Le métier consistait à arracher des dents d’animaux sur des corps fraichement abattus pour les placer ensuite sur des têtes de trophées pour salon ou des animaux empaillés pour musée. Il observa les ouvriers plus qualifiés qui fabriquaient des râteliers avec les dents, mettant en forme le plastique et la pâte de ciment pour en faire des crocs qui mordraient pour l’éternité. Il vola une boîte de dents de lynx qu’il se mettait en bouche lorsqu’il jouait du sax dans les collines en observant au loin les casinos du Strip. Il jouait à être une bête sauvage qui rodait face à la ville du vice. Joredco licencia Coleman lorsque le patron se trouva une famille d’immigrés mexicains clandestins qui acceptait de travailler pour un salaire de groupe extra-faible. Coleman trouva du travail dans les deux seuls autres labos dentaires de casinopolis, mais il s’aperçut que Joredco était le seul à fabriquer des fausses dents à partir de dents d’animaux réelles.

Solitaire, marginal, introverti, il prit l’habitude d’aller rôder après la tombée de la nuit au cœur des réelles ténèbres. Coleman composait sa musique dans sa tête au cours de ses errances. La curiosité de savoir la vie cachée derrière les rideaux des habitations faillit le rendre cinglée. Il commença à s’introduire illégalement dans les maisons en pleine nuit, que ce soit à travers une fenêtre non verrouillée ou en faisant sauter une porte en contreplaqué, parfois en jouant du ciseau ou du tournevis pour trafiquer une serrure. Il s’emparait de petits objets d’argents, sa meilleure prise fut un lynx empaillé. Mais ce que préférait Coleman c’était simplement de se trouver dans une maison vide. C’était marrant d’être dans une maison obscure à jouer les prédateurs et à prétendre voir dans le noir. Un jour, il entendit deux hommes parler d’un éleveur et des bestioles inquiétantes qu’il gardait derrière sa maison face au désert du Nevada. L’un d’eux en donna les noms : belettes, furet, blaireaux, loutres et gloutons. Coleman en fut tout excité. Il se rendit la nuit avec une lampe torche pour rendre visite aux gloutons et en tomba amoureux.

Le Glouton : Membre de la famille des belettes, d’un poids de 20 à 25 kg, il se rencontre au Canada et dans le midwest. Rendu à son poids, l’animal le plus vicieux de toute la terre. Ignorant totalement la peur, connu pour attaquer des animaux largement supérieur en taille ; connu pour faire fuir ours et couguars qui lui abandonnent leurs proies. Un animal qui ne supporte pas de voir d’autres créatures jouir d’un bon repas. Il les attaque souvent par surprise rien que pour s’emparer du restant de leur nourriture. Son système digestif est d’une efficacité redoutable, le Glouton mange vite, digère vite, défèque vite et il a toujours faim. Il a un appétit énorme qui fait pendant à sa totale méchanceté. Tout ce que ce petit animal cruel aime faire, c’est tuer, manger et à l’occasion s’accoupler à d’autres congénères de son espèce pour assurer la perpétuation de sa race. Une créature dodue, aux pattes lourdes et malhabiles, les yeux en amande, revêtue d’une épaisse fourrure marron qui le protège du froid, une queue discrète, un museau court et pointue, de longues griffes et de longues dents acérés.

Le Glouton devint l’animal favori de Coleman. Ils étaient méchants, ils étaient vicieux, ils n’acceptaient pas de se faire emmerder par personne. Lorsque Coleman les observait, ils essayaient de mordre le devant de leur cage pour l’atteindre, ils montraient les dents en grondant des notes aigues comme celles de son sax.

Coleman s’en alla, il ne cambriola pas la maison parce qu’il voulait revenir pour d’autres visites. Il se documenta sur les coutumes du glouton et se délecta des récits de leur sauvagerie. Il installa des pièges à rats près de chez lui et ramena les dépouilles pour en nourrir les gloutons. Il acheta des hamsters et les donna vivants aux gloutons. Il éclairait les gloutons de sa torche pour les contempler en train de festoyer avec ses petites douceurs.

Les années passèrent, Coleman jouait du sax seul, il rendait visite à ses amis gloutons. Il travaillait comme journalier à des boulots de débines. Il se mit à se trainer dans les casinos, dans leurs salles de spectacles, essayant d’être engagé comme musicien, mais il ne savait pas souffler correctement dans son alto, ni mettre en forme les notes, ni lire correctement une partition. On lui ferma la porte au nez sans ménagement à chaque fois. Résultat il prit en haine le personnel dirigeant des casinos, qui plus tard formerait le syndicat après l’hécatombe de la métasphère. Encore aujourd’hui il éprouve un lourd ressentiment envers eux et en a fait ses pires adversaires.

Une nuit alors qu’il rendit visite aux gloutons pour les nourrir avec affection, il se sentit un désir irrésistible d’en câliner et d’en tenir un. Il ouvrit un enclos et essaya d’enlacer la bête qui le mordit aux deux bras. Il se battit avec le Glouton. Coleman fut vainqueur par étranglement. Il emporta la dépouille chez lui, l’écorcha, mangea la chair crue et fabriqua un râtelier en forme de masque-muselière à partir des dents afin de les porter dans l’intimité, en prétendant être le glouton. Ce jour où il tomba dans sa folie fut également celui qui vit l’explosion de la métasphère à Casinopolis. Il fut pénétré par le souffle de l’explosion qui rasa sa maison mais pas lui, le laissant indemne, miraculé au milieu des ruines à l’image de Cole l’homme électrique d’Empire City lors de sa naissance. La Métasphère donna à Coleman le don de ce qu’il venait d’ingurgiter et qui occupait ses pensées, son animal fétiche : le glouton.

Marginal ayant toujours vécu dans la classe populaire et habitant de Twilight Suburb depuis sa naissance, il était tout naturel qu’il se tourne vers les rôdeurs d’autant plus qu’ils sont rivaux du syndicat qu’il déteste particulièrement. Si les rôdeurs peuvent compter sur lui pour défendre avec acharnement leur quartier face aux autres factions, ils devront trouver quelqu’un d’autre pour sauver la ville et jouer les héros car Coleman avec sa faim insatiable et la part animale qui a pris le pas sur son humanité est pris d’une faim terrible comme les gloutons et pense plus à étancher son appétit en dévorant les animaux morts (et mêmes ses ennemis…) plutôt que de chercher à sauver la veuve et l’orphelin. Désormais il s’habille toujours en marron pour adopter la même couleur que la fourrure de l’animal et porte constamment son horrible râtelier pour afficher en permanence les dents acérées de l’animal dont il est si fier et accessoirement, dévorer et mordre avec plus d’efficacité.