Né un 22 février dans la périphérie de Drumuresti, en Roumanie. L'emplacement de sa naissance n'a, en soi, rien à voir avec le restant de la famille, sauf pour les deux premiers de la famille, à savoir lui, Vincent, ainsi que Marius. Ces noms ne sonnent pas très tziganes, n'est-ce pas ? Ce n'était qu'une assurance-survie au cas où on essaierait de les déloger. Ils étaient donc appelés à l'extérieur par leur premier prénom, tandis que dans le cercle familial, seul le second retentissait, l'unique. Nous avions donc Mircea, choisi par sa mère, puisqu'elle avait toujours rêvé de le donner à l'un de ses enfants, fils qui plus est. Ainsi que Nuzri. Et elle fut servie.

Leur famille vivait dans un trois pièce en banlieue, la seule chose qu'ils pouvaient se payer. Mircea et son frère Nuzri étaient les seuls à pouvoir aller à l'école, à défaut d'être déjà trois dans la famille. Et ils s'y plaisaient, malgré le regard parfois malsain des petits roumains qui leur servaient de camarades de classe. À vrai dire, l'aîné avait plus de mal à s'intégrer que le plus jeune…il venait surtout pour apprendre et repartir revoir sa famille pour profiter du peu de temps qu'ils passent ensembles comparativement aux heures de cours. Mircea n'était d'ailleurs pas un saint, car la plupart des garçons l'embêtaient, testant sa réactivité aux menaces et même aux agressions physiques. Ce à quoi il répliqua vivement, aussi surprenant que cela puisse paraître. Résultat, il s'était fait tirer les oreilles par le directeur de l'école, qui avait enfin trouvé l'occasion de s'acharner sur cette famille d'étrangers. Peu simple. D'autant que sa mère travaillait parfois très tard, étant donné qu'elle faisait « le ménage » dans les locaux d'une grande entreprise de la zone franche, située à une vingtaine de kilomètres d'ici. Son père, quant à lui, était là toute la journée sauf la soirée et la nuit. Musicien d'exception, il n'avait pourtant pas sa place dans un groupe de son niveau, de ce fait, il jouait par-ci par-là, tentant de faire vivre ses oisillons de son art.

Ou plutôt leur art, car avant que naisse l'aîné Mircea, ils étaient garants d'un cirque nomade. Durant des années ils avaient traversé l'Europe, jusqu'à ce que les deux sœurs d'Ilmiya, la mère, ne se fassent arrêter en France car n'ayant pas de papiers en règles. Elles représentaient à elles deux les numéros les plus importants, et leurs deux enfants furent aussi renvoyés je-ne-sais-où…ce qui démotiva totalement le couple, qui avait finit par s'installer à Drumureşti. Et, qui sait, recommencer de bon pied une nouvelle vie.

Mais c'est Mircea qui, tombant sur des photographies diverses, demanda des informations sur leur refus de continuer dans cette voie, dans leur voie. Cette vie sédentarisée ne leur convenait manifestement pas. On trouvait parfois Ilmiya, faisant la cuisine, en train de se frotter les yeux avec le dos de sa main pour ne pas laisser couler ses larmes dans son plat. Il n'y avait pas plus véridique que ces tristes moments de spleen. Alors, poussés par leurs enfants, ils finirent par reprendre leur caravane et vendre tout ce qu'ils avaient, l'appartement en première place. Les deux jumeaux, Chavo et Jal, à cette époque, n'avaient encore que cinq ans.

Ils firent plusieurs haltes dans chaque villes, plus ou moins longues selon ce qu'ils tentaient de faire. Le cirque s'était finalement reconstruit et le neveu d'Ilmiya était même venu rejoindre la troupe. Ce fut par un travail acharné que tous les enfants parvinrent à s'orienter. Trapéziste, jongleur, ceci les faisaient rires, mais ils savaient que cette activité comptait énormément pour leurs parents. Les deux aînés, eux, le faisaient par bon cœur, voulant faire tourner le cirque…néanmoins, ils avaient tout deux, puisqu'ayant fréquenté l'école, des envies d'orientation différentes. L'un voulait être médecin et l'autre étudier l'Histoire. Melodiestadt, Torre Pallida, South Lagoon, Epel Ibaiaren, Porto de Rei. Ils sillonnèrent l'Europe avec leur caravane. C'est lors du trajet entre Epel Ibaiaren et Porto de Rei que la petite dernière, Nina, naquit. Dans de telles circonstances que tout médecin s'en serait arraché les cheveux, car la grossesse n'avait pas été suivie de façon adéquate. Mais rassurez-vous, elle a tout de même poussé son premier cri dans une clinique espagnole. Les parents refusèrent de lui accorder le droit du sol, et firent en sorte qu'elle conserve son identité roumaine.

C'est à Porto de Rei que Mircea, toujours appelé Vincent malgré tout, put débuter ses études en médecine. Ce ne fut pas difficile de les en dissuader, il avait une bourse suffisante qui lui permettait de ne faire payer qu'un quart à ses parents, si ce n'est moins. Cependant, durant les premiers mois, ils en souffrirent. Le père beaucoup plus que sa femme, qui n'avait aucune confiance en Mircea pour réussir de tels exploits. Il passa brillamment le concours. La caravane bougeait surtout sur le territoire portugais et espagnol, côtoyant parfois des gitans d'origine espagnole, avec qui ils s'entendaient extraordinairement bien. Pendant ce temps, Vincent poursuivait ses études sans pour autant laisser de côté trop longtemps la famille, car elle avait, selon lui, une place bien plus importante. Lors des dernières années de spécialisation, on lui proposa d'étudier un an à l'étranger, ce qu'il accepta volontiers malgré la distance avec sa famille, qui comprit son choix. À Empire City, il prend ses marques, étonne par son milieu d'origine, et remplit son carnet d'adresses. Avec cela, une fois de retour chez lui, il pourrait revenir exercer aux Etats-Unis tout en ayant un emploi stable.

De retour à Porto de Rei, il décide d'aller dans la périphérie de la ville pour pouvoir aller rendre visite à sa famille. La caravane avait disparue. Et seule Nina, sa petite sœur, ainsi que sa mère Ilmiya étaient présentes. Le restant de la famille avaient été tués dans un incendie volontaire de leur caravane. Mircea n'aura jamais autant pleuré que ce jour.

Malgré la douleur, il ne pouvait se résoudre à rester ici. Car cet incendie avait été déclaré par quelqu'un, et entre autre par des habitants nationaux et personne d'autre, qui n'avaient sans doute pas supporté que des tsiganes viennent squatter leurs parkings vides et autres champs de verdure. Le diplôme en poche, Mircea incita sa mère et sa sœur de les suivre pour les Etats-Unis, pour ne pas dire forcer. Car il avait suffisamment de bons arguments. Que leur restait-il ici, si ce n'est des tas de cendres ? Ils mirent en commun leurs économies respectives et misèrent sur ce voyage pour les USA. Il fut employé directement par l'hôpital général de Business Ring. Pendant de nombreuses années, il divisa son salaire en trois pour pouvoir subvenir aux besoins de sa mère et de sa sœur encore trop jeune pour être indépendante financièrement.

Récemment, leur mère a décédé de vieillesse. Les deux derniers de la famille Kalderaš ne se quittèrent plus. À chaque déplacement sur le sol américain, l'autre suivait, notamment Nina. Arrivés à Casinopolis, il avait commencé à travailler dans l'asile psychiatrique du quartier résidentiel de la ville, pour pouvoir soigner divers blessés…quelque peu névrosés. Lorsque l'explosion eut lieu, il était en train de remettre en marche l'un des compteurs électriques qui avait sautés…